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Le XVIIIème siècle

On se doute bien que les éventails, comme les hommes, n'obéissent pas aux injonctions toute apparentes des changements de siècle ! Les premières années du siècle, jusqu'à la Régence, ne marquèrent qu'une évolution limitée. Les éventails brisés furent moins ajourés, le travail de la nacre et de l'écaille se perfectionna. Mais après la disparition de Louis XIV, les sujets mythologiques ou religieux furent moins en vogue (du moins en France : les éventails à scènes bibliques restèrent très goûtés dans des pays protestants comme la Hollande), les scènes plus pastorales se répandirent pour les éventails de mariage ou de fiançailles et l'on consacra des trésors de virtuosité à l'élaboration de montures somptueuses, avec notamment des brins en nacre d'une finesse inégalée par la suite.

Cet éventail  (Coll. C & P.H. B.) a sans doute été réalisé en 1770 à l'occasion du mariage de Louis XVI, alors dauphin, et de Marie-Antoinette. Sa monture en ivoire est à décor de dauphins en nacre, et la scène de la feuille représente Jupiter et Junon avec leurs attributs et que des amours viennent couronner.

A partir des années 1760 cependant, les montures se firent moins importantes et devinrent "squelettes", les feuilles ne se couvrant plus totalement d'une peinture, mais de cartouches plus ou moins élaborés. Les feuilles abandonnèrent de plus en plus la peau pour la soie (moins coûteuse) ou le papier "serpente" des éventails ordinaires, et les sujets, abandonnant le "grand genre", privilégièrent les scènes pastorales, les évocations de l'amour et du mariage (cages à oiseaux et autels de l'amour...), illustrant les jeux, divertissements et plaisirs à la mode, ou célébrant les événements défrayant la chronique : comète, modes excentriques, premières ascensions en ballon. Les éventails à système ou mécanismes divers se développent alors.

L'éventail est si bien un objet social, que son usage est réglementé à la Cour. Ainsi, dans les Souvenirs (apocryphes) de la Marquise de Créquy peut-on lire : "Mme d'Egmont ... était dans un trouble visible ; elle avait les yeux fixes, elle tenait son visage à moitié caché par un éventail (au mépris de l'étiquette de Versailles, car alors on ne prenait jamais la liberté d'ouvrir son éventail en présence de la Reine, à moins que ce ne fût pour en user en guise de soucoupes et pour présenter quelque chose à S. M.)".

Par ailleurs l''industrialisation commence alors, avec l'amélioration des procédés de pliage de la feuille, avec le développement (plus tardif en France qu'en Angleterre semble-t-il) des éventails imprimés, avec leur utilisation comme support de chansons, musique, et bientôt de propagande politique.

Cet usage politique culmina bien entendu sous la révolution française, qui utilisa aussi bien les éventails de format habituel (qui restera exprimé en pieds et pouces, même après l'avènement du système métrique) que des éventails "géants" dont on ne trouve plus que rarement le modèle d'origine, sans illustrations et textes politiques. 

Cet éventail "révolutionnaire" (Coll. C & P.H. B.)  montre le "désespoir des pensionnaires" dont la"nuit du 4 Août", fameux épisode de la révolution à l'été 1789, a (par ses conséquences) supprimé ou diminué les ressources. On remarque divers types sociaux, allant de l'aristocrate au ramoneur.  
  

Le XIXème siècle

Bien que moins affectés directement par les événements, les autres pays suivaient peu ou prou la même évolution. L'éventail connut un déclin certain, lié aux bouleversements sociaux, à la disparition de certains circuits de production, à l'évolution de la mode. La taille de l'éventail diminua, et à la Restauration, il s'en fit beaucoup de brisés, essentiellement en corne et ivoire, souvent assez faiblement décorés, bien que l'on trouve aussi de vrais "éventails bijoux". L'éventail plié subiste cependant ici et là, et pourra illustrer pièces de théâtre ou oeuvres romantiques.

Eventail en corne teintée (pour imiter l'écaille), repercée, peinte de fleurettes, avec ruban (changé au XXème siècle), très typique des petits éventails qui, entre 1820 et le renouveau vers 1840, ont en quelque sorte "assuré l'intérim" entre les règnes de l'éventail du XVIIIème siècle et de la fin du XIXème. (Coll. C & P.H. B.) 

Un renouveau se fit cependant sentir, qui dans un premier temps se traduisit d'abord par la sortie des commodes des éventails de Grand-Maman, comme en témoigne le texte ci-dessous, qui montre aussi que c'est l'époque où (plus peut-être en fait qu'au XVIIIème siècle) l'on utilise, en réalité ou en rêve, le "langage de l'éventail".

 Les Eventails

Maintenant, il n'y a pas une femme riche qui ne sache que le complément d'une brillante toilette est un éventail du temps de Louis XV ; mais où le trouver ? chez Prévost, qui en a une collection complète, ornés des dessins originaux de Boucher, Greuse, Vatau, Barvier, Pichard, Vauloo, etc., etc. Ces éventails, d'un travail précieux, ont servi, il y a un siècle, aux plus brillantes femmes de la cour de Louis XV. Eh bien ! aujourd'hui ils sont encore d'une beauté, d'une fraîcheur extraordinaires. Les bâtons sont en ivoire, sculptés à jour, et ornés de personnages en or fin, estampés en relief. Quelques parties doublées en nacre produisent un effet charmant. On ne peut rendre la finesse de toutes ces petites figures si délicatement travaillées. Quant aux peintures qui forment l'éventail, ce sont des sujets mythologiques, de gracieuses pastorales ou de scènes d'intérieur, avec les costumes et les uniformes de l'époque. Il faut voir le fini de ces petits chefs-d'oeuvre pour comprendre les soins et le talent de l'artiste, en composant ces jolies miniatures !...

Et se dire que ces éventails sont plus vieux que nous! plus âgés que notre grand'mère ! eux, encore si brillans ; et cependant, que de fois ils ont été agités, soit pour marquer l'impatience, la joie ou le dépit ; car, vous le savez, mesdames, à cette époque l'éventail était l'arme des belles ; il y avait pour le beau sexe l'exercice de l'éventail ; chaque mouvement indiquait une émotion, et toutes les femmes se servaient de l'éventail, depuis la coquette habile, la prude astucieuse, l'orgueilleuse au front hautain, jusqu'à la femme honnête et modeste qui souvent n'employait son éventail que pour se rafraîchir ou pour cacher un sourire involontaire. L'art compliqué de l'éventail est passé de mode, mais les éventails anciens font fureur. Un bel éventail coûte deux, trois, quatre et même cinq cents francs. Je vous recommande le magasin de la Cloche d'Or ; nulle part vous ne trouverez une aussi belle collection.

  Journal des Femmes - 1er mars 1835 

Cet engouement pour les éventails du siècle précédent favorisa la reprise (finesse d'exécution en moins, le plus souvent) de modèles XVIIIème siècle, avant que la prospérité du Second Empire, la copie de styles passés, le talent de grands éventaillistes et des ouvriers de l'Oise, l'intérêt de quelques peintres célèbres ne concourent à une véritable explosion.

L'Espagne, qui fabriquait peu d'éventails, mais en importait de plus en plus, notamment de France (voir notre page "Feuilles françaises, éventails espagnols ?"), se mit à y développer des manufactures, cependant que l'Espagnole s'attachait à cet objet au point que de nos jours encore, le grand public associe à l'Eventail l'image de l'Espagne et de ses productions hélas le plus souvent fort médiocres. Voir d'ailleurs à ce sujet un intéressant texte de Théophile Gautier extrait de son "Voyage en Espagne".

Dans les années 1860/1870, il est difficile de trouver une gravure de mode sans éventail... L'amélioration des procédés industriels (lithographie, façonnage des montures etc..) facilita cet essor, mais les plus belles pièces renouaient avec une qualité inédite depuis un siècle. C'est là, en vérité, la période d'or de l'éventail, où coexistent la réalisation de modèles de grand prestige et la diffusion vers les classes moyennes, qui vont ainsi pouvoir revivre sous la République les fastes désormais démocratiques de la Monarchie.

Marie Antoinette

La fin du siècle vit l'éventail croître en taille puis rétrécir, et l'éventail publicitaire acquérir pleinement droit de cité, d'abord sous forme d'éventails pour le spectacle, puis pour les compagnies de chemin de fer et enfin les hôtels, casinos et boissons de toute sorte. Le goût pour le Japon permit l'utilisation d'éventails importés, parfois publicitaires ou "événementiels".

 

L'éventail dont un détail est donné ci-contre est un éventail de grande envergure, typique des années 1890 bien qu'il soit plus tardif. Il donne en effet, mêlés aux cartouches publicitaires, les noms et photos des artistes devant se produire à Rouen lors de la saison lyrique 1902-1903. Sur l'autre face, publicité pour le magasin de vêtements Dewachter (une succursale était en activité en Bretagne, près de chez nous, jusqu'en 1998...) .
Sur la face représentée, on trouve entre autres des publicité pour les automobiles Renault, le Pétrole Hahn, le Grand Marnier, le quinquina Picon, marque qui se distinguera au XXème siècle par un recours abondant à la publicité sur éventails.

Le XXème siècle

L'éventail, généralement de petite taille, quand il s'adaptait à l' "Art Nouveau", ou même quand il imitait derechef les styles passés, restait utilisé dans la première décennie. Mais, comme l'indiquait le "Petit Echo de la Mode" dès la première année du siècle, "il ne régnait plus".

Cela n'empêchait pas le cinéaste Mélies de réaliser en 1904 un film dénommé "Le Merveilleux éventail vivant" (film donné ici sans musique d'accompagnement).

L'éventail connut cependant encore quelque succès, même si les modèles réalisés dans ces années sont souvent présentés par des marchands ignorants comme plus anciens. Mais la guerre de 1914/1918 lui porta un coup fatal, parachevé par l'émancipation de la femme, qui, conduisant les automobiles, fumant la cigarette, travaillant à l'usine ou au bureau, n'en voyait plus l'utilité ni l'agrément.

Certes la haute couture et le monde du spectacle continuaient quelque temps à y faire appel, mais c'était un chant du cygne. Seuls les éventails publicitaires continuaient à se développer, avant de voir eux-même leur champ diminuer avec la seconde guerre mondiale.

Les éventails en celluloïd, nés à la fin du XIXème siècle continuaient aussi à se développer, à usage parfois publicitaire, mais surtout comme objets de mode ou touristiques. Certains sont fort intéressants. Demeurent enfin en Asie et en Espagne surtout, des productions généralement de masse, à usage autochtone ou pour touristes, qui obligent les collectionneurs d'éventails à craindre certains cadeaux d'amis bien intentionnés quoiqu'économes !

Le XXIème siècle

Peut-on croire à un retour de l'éventail au XXIème siècle ?

Malgré le réchauffement climatique qui en a fait ces dernières années un objet de plus en plus "dans le vent" (!), et sa nature par essence "HQE" (Haute Qualité Environnementale), la chose paraît peu probable. 

Et pourtant ! Ce diable d'objet a si souvent su se refermer et attendre que l'orage passe, que nous le verrons peut-être s'ouvrir à nouveau et reprendre sa conversation légère...

Ce sera peut être, qui sait, le siècle de son triomphe ? !!!

triomphe

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