Eventail géant - Giant fan

L'un des plus grands plaisirs de l'amateur d'éventails, comme du curieux en général, est de retrouver dans les objets qu'il chérit à la fois des bribes de leur histoire, et dans le même temps des éléments de compréhension, et pourquoi pas de réflexion en ce qui concerne l'époque qui les a vu naître. C'est ce que nous vous proposons ici, à propos d'un "éventail géant révolutionnaire" qui, une fois n'est pas coutume, vous permettra de voir plusieurs éventails d'un coup !

I) INTRODUCTION AUX EVENTAILS REVOLUTIONNAIRES

Le dix-huitième siècle avait vu le règne de l'éventail s'étendre : il avait certes souvent abandonné les sujets nobles (mythologie ou histoire sainte) qui étaient de mise vers 1700. Il avait atteint, en particulier dans la qualité et la virtuosité des montures d'ivoire , de nacre ou d'écaille, une qualité d'exécution et de goût que le XIXème siècle aura bien du mal a réunir... et si rarement ! Dès la fin du règle de Louis XV toutefois, des objets plus simples et plus répétitifs apparurent, facilités par les progrès de la technique (les moules à plisser inventés par M. Petit par exemple), témoins de la démocratisation progressive de la société (non sans réactions de l'aristocratie ancienne...), mais aussi de l'existence d'une concurrence internationale, ainsi que d'une production de masse pour l'exportation.
Dans le même temps, l'on continuait évidemment à fabriquer de splendides éventails pour les dames de la cour, et des éventails de qualité moins somptueuse pour les circonstances habituelles, dont les "corbeilles de mariages". En tout cas, les éventails imprimés se répandirent en France (suivant en cela la Grande Bretagne). La rapidité de leur fabrication leur permettait de s'adapter à la mode fugace, tout en touchant à faible prix un grand nombre de personnes : ils parlèrent du théâtre, des chansons en vogue, de la "comète", des coiffures extravagantes, des ballons de Charles et Robert... et aussi de politique !

Nous croyons bon d'insister sur ce point, car trop souvent l'ensemble de cette production est cataloguée "éventails révolutionnaires", alors même qu'il s'agit d'exemples antérieurs à la Révolution. Il est vrai que les éventails à sujet politique, datant surtout des années 1788 et suivantes, ont sans doute été davantage conservés, en raison de leur intérêt historique plus évident. De ce fait, on comprend bien qu'on leur ait aisément annexé une production antérieure de quelques années, de même que les éventails non politiques produits à l'époque révolutionnaires, qui ne sont pas plus "révolutionnaires" au sens propre que les éventails de 1750 n'étaient royalistes !!!
D'ailleurs, quand a commencé la Révolution Française ???

Pour beaucoup, c'est le 14 juillet 1789 qui en marque le début... En réalité, la révolution a commencé dans les esprits depuis des années, et se manifeste lors de l' "Assemblée des Notables" de Février 1787, avec le retour de Necker comme premier ministre en 1788, avec la convocation des Etats Généraux et avec des publications comme celle représentée ci-contre. Pour notre sujet, nous admettrions volontiers, si cela n'était paradoxal, que les éventails répandus lors de la naissance le 22 Octobre 1781 du premier Dauphin (mort le 9 juin 1789), et qui glorifient la maison de Bourbon, sont déja "révolutionnaires" !

D'un autre côté, la plupart des contemporains prennent chaque événement (la nuit du 4 août et l'abolition des privilèges, la fête de la Fédération le 14 juillet 1790, la constitution de 1791 etc...) pour l'achèvement de la Révolution... A l'opposé, on pourrait presque considérer que la vraie révolution va commencer en août 1792, avec l'arrestation de la malheureuse famille royale. Et quand se termine la Révolution Française ??? Ici aussi, les avis vont diverger : d'une certaine façon, la chute de Robespierre le 9 thermidor (27 juillet 1794) termine la Révolution... mais on peut aussi considérer que la Révolution se poursuit jusqu'à la prise de pouvoir de Bonaparte le 18 brumaire (9 novembre 1799), ou à la création voire à la chute de l'Empire !
Quand donc trouve-t-on des éventails "révolutionnaires" ? On en trouve en fait à 2 périodes principalement : jusqu'en 1792 (et ils sont le plus souvent aussi royalistes que révolutionnaires, même quand ils attaquent l'aristocratie, ce qui est différent !) et après 1795 (avec notamment les éventails aux "Assignats", dûs à une période d'inflation formidable).

II) LES EVENTAILS "GEANTS" de l'EPOQUE REVOLUTIONNAIRE

Mais nous voulons ici nous limiter (c'est une "monographie" !) aux éventails "géants".
Nous parlons là d'éventails qui au lieu d'être au module courant de 10 pouces, soit 27 à 28 centimètres , dimension tout à fait "moyenne" dans l'histoire de l'éventail , atteignent la taille extraordinaire (que l'on n'approche guère, en Occident, que vers 1890 (et encore...), et en Orient, que dans certains éventails d'homme ou de théâtre) de 17 pouces, soit 39 ,5 à 40 cm !
Ces éventails sont-ils nombreux ? Nous avons cherché, à travers une liste (non exhaustive) de catalogues de ventes publiques ou d'expositions depuis une vingtaine d'années, à en déterminer la proportion. Par éventail"révolutionnaire", nous entendons éventail en bois, feuille papier imprimé, datant manifestement de 1787 à 1797.

Catalogue	Nombre d'éventails "révolutionnaires"	Nombre de "Géants"	%
Christies (London) 4/12/2001	11	0	0 %
Rossini (Paris) 26/11/2001	6	1	16,67 %
Me Delvaux (Paris) 23/6/1999	17	2 ou 3 (dimensions non données...)	11,76 à 17,65 %
Christie's (London) 25/5/1999	21	4	19,05 %
Musée Lambinet - Versailles (1997/1998)	29	2	6,90 %
L. Saboudjian (1989) L'éventail 1789-1989	13	3	23,08 %
Mes Gros-Delettrez (Paris) 7/02/1986	63	3 ou 4 ? (dimensions non données)	4,76 % à 6,35 %
P. Van Saanen From Court to Confectionary	6	0	0 %
Unfolding Beauty... (E. Oldham collection)	4	0	0 %
Eventails (M. Volet - A. Beentjes)	8	1	12,5 %
Der Fâcher (Christl Kammerl)	7	1	14,29 %
Total	174	17 à 19	9,77 à 10,92 %

Sur la base de ces éléments, et considérant que ces grands éventails ont certainement attiré les collectionneurs, comme tout ce qui est inusité, nous supposerons que leur nombre n'a pas atteint les 10 % de la production considérée. Ceux qui sont représentés attirent souvent l'attention par leur ressemblance. Comme, par principe, nous ne reproduisons pas des images sur lesquelles nous n'avons pas de droits, nous ne pouvons donc que renvoyer notre visiteur aux catalogues cités, ou aux ouvrages cités en bibliographie.

Toutefois, on constate que