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Cet éventail a-t-il appartenu à Marie-Antoinette ?

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  Merci à ceux d'entre vous qui répondent à nos questions : une réponse de la plus haute importance se trouve en bas de page !  
 

En flanant sur l'Internet, j'ai trouvé la photo de cet éventail (que -une fois  n'étant pas coutume- j'ai honteusement volée aussitôt à un précédent emprunteur...) 
Marie-Antoinette
NB : l'éventail présente son panache à gauche. S'agirait-il d'un rare éventail "à trois images" ? Non, la photo est inversée : les voleurs devaient manquer de bons sens...

"Avant de monter à l’échafaud, la reine offrira son éventail à Chauveau Lagarde. Cet éventail est sous vitrine, dans le bureau du bâtonnier" indiquait Pierre-Olivier SUR (Ancien Membre du Conseil de l’Ordre, auteur d'une "Histoire des avocats en France" -Dalloz 1998-) le 8 janvier 2002 lors d'une présentation de l'histoire des avocats aux élèves de l'Ecole de Formation des Barreaux .

Il apparaît que cet éventail serait celui photographié ci-dessus, et qu'il serait depuis fort longtemps dans le bureau du Bâtonnier de Paris, comme le signalent les avocats du  Togo (http://avocats-togo.org/content.php?niv=avocat&niv2=cite) :  "dans le cabinet du bâtonnier, le portrait du Pape Clément IV fait face à l'éventail que Marie-Antoinette remit à son défenseur Claude-François Chauveau-Lagarde". 

Un roman a même été publié en 2008, avec comme point de départ cet éventail. Il s'agit de Sous la Terreur par François-Xavier GAUROY et Ambroise LIARD  (Timée Editions). 

L'Union des Jeunes Avocats
 (http://www.uja.fr/Invitation-a-la-lecture-Sous-la-Terreur-par-Francois-Xavier-GAUROY-et-Ambroise-LIARD_a377.html) 

indiquait que l'intrigue "est construite autour d'un objet symbolique qui se trouve dans le bureau du Bâtonnier de Paris: un éventail, donné par Marie-Antoinette à son avocat, Chauveau-Lagarde, en témoignage de sa reconnaissance pour sa défense devant le Tribunal révolutionnaire, l'antichambre de la guillotine. (...)  Le roman est nourri d'anecdotes historiques pour décrire le Tribunal révolutionnaire, cette simple antichambre de la guillotine qui siégeait dans l'actuel Palais de Justice de Paris."  



 
 Hector

 Claude-François Chauveau-Lagarde (1765-1841) survivra  à la Révolution. Mais en défendant l'infortunée souveraine, il prenait assurément un risque  qui méritait bien ce modeste cadeau ! 

Cet éventail, par ses caractéristiques, pourrait être des années 1780, mais les franges amènent à le situer plutôt vers 1790, comme celui que nous montrons ci-contre, plus élaboré avec ses panaches et brins en acier et son médaillon central montrant Hector quittant Andromaque et Astyanax (Illiade Livre XII, copie d'après Coypel -Musée de Tours, tapisserie des Gobelins...)

 Autant dire que l'éventail de la Reine (si tel est le cas) était bien modeste après les fastes de Versailles. Mais l'on s'étonnerait presque que ses bourreaux lui aient laissé la disposition de cet objet ordinaire certes mais à tout prendre non indispensable.

 


Nos questions sont donc simples :
Avez-vous vu cet éventail ?
Son histoire est-elle incontestable ?
Quelles sont les sources ?
Tous vos avis seront les bienvenus !

Entre autres avis, voici celui que nous avait rapidement donné Florence Bruyant (historienne de l'Art, auteur de divers travaux et articles concernant les éventails, notamment sur "Les métiers de l'éventaillerie parisienne (1723-1776)"
Elle s'interroge sur la crédibilité de ce don. " Il faut rester prudent en ce qui concerne le "fétichisme" entourant la reine, notamment les nombreux éventails lui ayant appartenu. Celui-ci me paraît faire partie des éventails communs. D'après les biographies de la souveraine, elle disposait lors de sa détention du strict nécessaire". Pour elle, "dans l'hypothèse d'un don éventuel, celui-ci serait intervenu plutôt au moment de l' incarcération".
Pour autant, il est de fait que "la reine offrait des éventails à son entourage" et qu'un tel cadeau reste donc plausible, dès lors -ajoutons-nous- que l'on ne considère pas qu'il s'agit de "l'Eventail de Marie-Antoinette",  mais seulement d'un éventail donné par Marie-Antoinette.

Une visite chez le Bâtonnier


Nous avons reçu fin janvier 2011 une contribution exceptionnelle de M. Daniel Crépin,  collectionneur,  chercheur et membre du Vieux Papier et du Cercle de l'Eventail, qui, grâce à M. Ozanam, archiviste de l'Ordre des Avocats de Paris, a pu examiner l'objet de visu et nous en communiquer quelques photos, accompagnées de  précisions qui, hélas, font naître de nouvelles questions !

Nous les remercions tous deux. Mais, tout d'abord,
une photo ! (malaisée à prendre sans reflets, l'éventail étant encadré et ne pouvant être déplacé)



Marie Antoinette cadre 

Cette photo permet quelques premières constatations :

1) Comme nous le supposions, la photo que nous avions "volée" (à d'autres "voleurs" !) était bien inversée ;
2) L'éventail, que nous voyons maintenant mieux, est un éventail d'une nature courante dans les années 1780, que les franges nous paraissent faire toutefois dater à la fin de la décennie, voire vers 1790 ;
3) Rien dans la décoration de l'éventail  (inscriptions ou motifs spécifiques) ne permet de relier l'objet à la famille royale.

Fort heureusement (pense-t-on de prime abord...), la plaque de cuivre pieusement apposée sur le cadre va nous apporter quelques cert
itudes.

En voici donc un agrandissement

Plaque           Election

La lecture de la plaque, au lieu de nous livrer des vérités, ne va hélas nous donner que de nouvelles interrogations.

La version que nous relatons plus haut (celle de Me Sur en 2002, que nous avions tendance -n'étant pas juge- à croire sur parole) était hautement cohérente, car elle faisait passer l'objet de la main de l'infortunée souveraine à celle de son jeune défenseur, et, pensions-nous, de la famille de celui-ci au corps dont en ces circonstances difficiles il avait défendu l'honneur. Cette version, confirmée par d'autres sources elles aussi venues du "Palais", nous satisfaisait fort.

Plus en tout cas que cette "tradition" incertaine faisant intervenir le Marquis de Marigny, la femme d'un procureur au Chatelet et, après un hiatus, un bâtonnier relativement récent, Me Etienne Carpentier (voir ci-desssus un extrait d'Ouest-Eclair du 3 juillet 1935 relatant son élection).

Daniel Crépin, notre aimable correspondant, a obtenu de M. Ozanam, archiviste du Conseil de l'Ordre, un certain nombre d'indications qui ne nous avancent guère.

En effet, de  Mme Galland, femme d'un procureur au Châtelet qui aurait assisté la reine dans la fameuse affaire du Collier,  l’éventail serait passé à sa fille puis à sa petite fille Mme Tesmoingt. Au décès de celle-ci,  le 12 février 1896, son mari aurait donne l’éventail  à Mr Mme Paul Bizé, grands parents du bâtonnier Carpentier, donateur. 

A partir de ce que nous dit Daniel Crépin, fort des renseignements recueillis de M. Ozanam et de ses propres recherches auxquelles nous joignons modestement les nôtres, nous pouvons tenter un point de la situation.

Cet éventail aurait été remis par la reine  à un "marquis" de Marigny.  Ce ne peut être le frère de Mme de Pompadour, décédé en 1781 Il doit s'agir de Charles Louis vicomte de Bernard de Marigny, qui après une brillante carrière dans la marine (notamment à Brest, ville natale de l'auteur de ces lignes...) fut nommé sous gouverneur du Dauphin en 1792, et était toujours en vie en 1793. 

Hélas, nous dit M. Crépin, on ne retrouve pas trace d’un Galland, procureur au Châtelet, qui n'aurait d'ailleurs eu aucune raison d'être mêlé à l'Affaire du Collier.  Nous avons par contre trouvé,  dans  l'Histoire de Marie-Antoinette des Frères Goncourt  (G. Charpentier, Paris, 1879) sous la note 424, une liste où figure un "valet de garde-robe" de ce nom (en gras ci-dessous). C'est évidemment moins noble que procureur au Châtelet, mais il  n'y a pas de sot métier !

	424 : Nous croyons devoir donner ici la liste des personnes composantla maison de la Reine, avec le chiffre de leurs gages, au 10 août, 
publiée pour la première fois par nous d'après un manuscrit conservé aux Archives nationales.
	«_Arriéré dû au 10 août 1792 aux personnes employées dans la maison de la ci-devant Reine_.

«Jublin, procureur général; gages 1,800.--Beauvillier, femme de la Roche-Aymon (Bernardine), dame du palais; gages, 6,000.--De
Saulx-Tavanes de Castellane (Gabrielle-Charlotte-Éléonore), dame du palais; gages 6,000.--Bertaut de Chimeaux, femme Bibaut de Misery
(Julie-Louise), première femme de chambre; gages 18,042-50.--Noll, veuve Thibault (Marie-Élisabeth), première femme de chambre, gages,
18,042-50.--Génet, femme Bertholet-Campan(Jeanne-Louise-Henriette), première femme de chambre; 6,415.--Quelpée La Borde, femme Regnier
de Jarjayes, femme de chambre, 7,915(...)-Hollande, garçon de chambre, 7,975-10.--Bazin, garçon de la chambre, 3,055-10.-
-Galland, valet de garde-robe, 1,507.--Schultez, tailleur (...)
Ajoutons aussi que nous avons trouvé que l'index du  "Minutier central" des notaires de Paris comporte bien un  contrat de mariage Galland-Tesmoingt, qui pourrait accréditer la tradition énoncée.  Nous laissons nos amis parisiens pousser les recherches plus loin...

En résumé
(en l'état actuel de nos connaissances...)              
   
 1) L'éventail qui se trouve dans le bureau du bâtonnier de Paris, par sa facture n'a rien de royal, mais a sans doute été fabriqué dans les années précédant la mort de la reine Marie-Antoinette ;
                  
 2) Rien ne semble justifier le passage pourtant annoncé presque officiellement dans les mains du célèbre avocat Chauveau-Lagarde ;
                  
 3) Il peut y avoir un Vicomte de Marigny dans l'histoire, mais pas un Marquis ;
                   
4) Il peut y avoir aussi un valet de garde-robe nommé Galland plus facilement qu'un procureur au Châtelet de ce nom ;
                   
5) Tout le monde semble donc "monter en  grade",  y compris le modeste éventail. C'était, après tout, le but de la Révolution !!!
                  
6) Le bâtonnier Etienne Carpentier était un homme
de bonne compagnie et d'honneur  : non seulement il fit don de cet éventail, mais de plus, nous avons appris qu'il "reprit du service" dans des moments bien difficiles en assurant pendant la guerre l'intérim de son successeur et quasi homonyme Me Jacques Charpentier, entré en résistance contre l'occupant.


Mais si vous en savez plus sur cet éventail du Barreau de Paris, merci de nous le faire savoir !!!
... et d'en informer les avocats parisiens, qui continuaient en 2016 à donner cet éventail à Marie-Antoinette (http://www.lopinion.fr/edition/politique/batonnier-paris-frederic-sicard-reve-d-barreau-a-puce-105686) .

... et n'oubliez pas les autres questions 


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