Le Loup et l'Agneau

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Pendant le confinement dû au célèbre Covid 19, le Cercle de l'Eventail (https://cercledeleventail.fr) a eu la bonne idée de demander à ses membres de présenter certains de leurs éventails, afin de distraire la communauté des collectionneurs, obligés de rester à la maison avec, dans certaines régions, l'angoisse de savoir des proches atteints par la maladie, ou la crainte d'en être victime.

Cette heureuse initiative a eu beaucoup de succès. C'est sur le même modèle que nous vous présentons ci-dessous un éventail, mais en donnant accès non seulement aux membres du Cercle de l'Eventail (toujours bienvenus, comme ceux du Fan Circle International ou de la Fan Association of North America) mais aussi aux autres visteurs de ce site.

Le Loup et l’agneau

Éventail plié. (10 + 2 brins, 21,8 cm, feuille 13,6 cm)

Feuille papier montée à l’anglaise, face imprimée en couleurs.

Monture bois laqué blanc estampé de motifs floraux argentés. Rivure et yeux métal. Bélière acier guilloché.

La face peut être ainsi décrite : « sur fond bleu-vert avec un iris en premier plan, en ombres chinoises, un loup dressé sur ses pattes avant observe un agneau situé plus loin dans une attitude craintive »

Collection CPHB

Le revers est muet, hormis cachet papier en couleurs collé : "Bail Cotillon 210 rue de Rivoli".

La maison Bail est bien connue pour les nombreux objets qu'elle proposait pour l'animation des bals, thés dansants et autres réjouissances. La clientèle était pour partie composée de particuliers qui recevaient des éventails anonymes, tel celui vu ci-dessus. Les commandes se faisaient le plus souvent en "programmes" comportant une quantité d'accessoires à utiliser en fonction du déroulement de la soirée. On en aura une idée avec ces extraits du catalogue de la maison Bail pour 1908.

La maison s'adressait aussi à des personnes aisées qui faisaient réaliser des éventails (et autres objets) événementiels. Dans cette catégorie, Bail visait en particulier les organisations professionnelles ou municipales comme les casinos ou la Société des Fêtes de la Ville de Paris. Parmi cette clientèle récurrente figurent les associations d'étudiants et en particulier celle qui tous les ans organisait les "Bals de Saint Cyr", prestigieuse école militaire française. Ces derniers éventails sont bien connus des collectionneurs.

Il est intéressant de noter que ce très ordinaire éventail fut acquis lors d’une vente aux enchères du Cercle de l’Éventail dans la propriété du regretté Michel Maignan, Président du Cercle. L'achat se faisait, comme souvent dans ces circonstances plus dans le but de contribuer -très modestement- au budget de l'association que par intérêt véritable pour cet objet.. Mais il paraît qu’un bienfait, même minime, n’est jamais perdu. En effet, quelques mois après, nous tombâmes en arrêt devant la feuille montrée ci-dessous.

Il s'agit d'une feuille d'éventail d'un type qui, dans le catalogue mentionné plus haut appartiendrait sans doute, sous la référence 20347, à la catégorie des éventails "Ombrés silhouettes peinture", vendus 6,5 Fr. la douzaine. Cette feuille est manifestement réalisée au pochoir en ce qui concerne le loup et l'ageau, au "crachotis" pour les teintes bleues et d'un léger coup de pinceau pour le jaune. Elle comprend en bas, à l'emplacement de la "gorge" de l'éventail une mention manuscrite "100 f le 1000" qui correspond assurément à un coût. Hélas, nous ne saurions dire lequel : certainement pas un coût d'éventails finis mais plus vraisemblablement un coût d'impression.

On aura noté, bien sûr, l'habituelle inversion entre le projet et l'objet imprimé. Il y a aussi une importante différence entre le fond du projet et celui de l'éventail monté, sans parler de l'iris qui sur l'éventail surgit au premier plan sans aucune raison valable. Nous préférons de beaucoup -mais c'est une question de goût !- l'atmosphère un peu angoissante du projet. Il nous semble que le pauvre agneau y risque plus de se faire manger. Sans doute est-ce pour ne pas traumatiser sa clientèle que la maison Bail a préféré réaliser un éventail plus paisible. Pourtant, en ce début du XXème siècle, tous les jeunes français connaissaient par coeur la fin de la célèbre fable de Jean de La Fontaine :

C'est sur cette image terrible (mais permettant d'apprécier la technique utilisée) que nous aussi nous vous quitterons, tout en vous souhaitant de faire de beaux rêves, où le loup et l'agneau s'aimeraient comme des frères.