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        Qu'est-ce que ce disque ?
      What is this disk?

Here, this page in English!

Voici un éventail qui semble sans mystère, mais qui nous pose cependant une question à laquelle nous ne savons répondre
(même si en bas de page vous trouverez quelques éléments de réponse), et que nous allons donc vous poser.

Mais d'abord, décrivons le. Il s'agit d'un éventail à 14 brins (plus 2 panaches) dont les brins semblent en ivoire et les panaches en os, avec une rivure métallique (laiton ?) . Les brins sont légèrement gravés et dorés de bandes de deux en deux droites ou sinueuses. Les panaches, décorés de la même manière, sont ondulés dans leur partie supérieure. La feuille, double est en fin papier vergé dont par transparence le filigrane ne montre pas de marque. Cette feuille est décorée sur la face à la gouache, avec des rehauts d'or. Le décor, simple voire naïf, montre une répartition rayonnante de 15 bandes (7 symétriques de part et d'autre d'une bande médiane) formant chacune approximativement un pli et un contre-pli, toutes parsemées de fleurs stylisées de taille variée, sur des fonds de couleurs différentes unis, quadrillés ou rayés. Les bandes sont séparées par des bordures dorées.  Au centre, s'étendant sur  7 bandes, un cartouche de forme mouvementée montre une scène mille fois vue, représentant dans un paysage conventionnel, avec arbres maigrichons, un couple élégant. La jeune femme à haute chevelure est à moitié assise sur un muret de pierres. Devant elle, un jeune homme chapeauté semble voler (transporté par l'amour ?) plutôt que se tenir à genoux devant la belle.


scène galante au disque

Voilà donc un éventail charmant, sans doute inspiré des tissus d'ameublement ou de mode, qui par son style semble correspondre aux premières années du règne de Louis XVI, quand le goût du néoclassicisme n'avait pas encore tout à fait triomphé. Les dimensions comme le nombre de brins permettent également une telle datation vers la fin des années 1770 ou le début des années 1780. Le revers est comme souvent d'une grande simplicité, se composant seulement d'une branche de roses de Provins. Seule originalité : au bord supérieur gauche de la feuille, une mention manuscrite à l'encre dont nous ignorons ce qu'elle peut signifier.  

scène galante au disque reversmention manuscrite
 
Nous accueillerons avec plaisir toutes les réflexions que ce modeste éventail peut susciter. Mais c'est un détail qui nous fait nous interroger. En effet, derrière notre couple de tourtereaux se trouve une haute tour, qui symbolise peut-être le château où ils vont se manifester plus intimement leur amour. Mais que voyons-nous au sommet de cette tour ?
Qu'est-ce que cette forme circulaire, ou cette sphère, qui semble posée sur un trépied ? A nos yeux du XXIème  siècle, voilà qui ressemble à une antenne parabolique, ou aux réservoirs d'eau que l'on voit sur les toits dans certains pays sujets à la sécheresse. Mais au XVIIIe siècle ? Voilà la simple, naïve et franche question que nous vous posons.

détail

Ce type de décor se trouve à l'occasion sur les éventails de la fin du XVIIIème siècle. Avec l'autorisation de leur propriétaire (que nous remercions), nous reproduisons ici le détail d'un éventail plié à monture d'ivoire et feuille double en soie gouachée et dorée, datant sans doute du début des années 1780. Ici encore on retrouve un édifice paraissant doté d'ouvertures et sommé d'un tel disque. Vous noterez aussi la présence -si fréquente, et si fréquemment inaperçue !- d'un vendeur d'oublies, ces sortes de gaufres coniques aussi appelées "plaisirs", d'où parfois quelques sous-entendus coquins. La vente se faisait généralement en utilisant une flèche de loterie fixée au sommet du tambour contenant les friandises.

disque et oublies


Et, assurons-en nos visiteurs, il ne s'agit pas d'une devinette, car nous ne connaissons vraiment pas la réponse.
Nous ne manquerons pas de répercuter vos suggestions, si possibles assorties d'illustrations contemporaines de notre éventail.


Déja des réponses !

Plusieurs de nos correspondants ont fait part de leurs suggestions.


Mme Мария Сергеева (qui nous a aussi montré l'image d'un curieux disque funambule par Paul Outerbridge -1934-) a écrit : " Très intéressant! Et la maison est comme moderne! Une recherche d'images a donné des fragments de la crucifixion des Balkans du XIVe siècle. Ce n'est pas très similaire, mais peut-être donner une direction à la pensée".
A l'appui de son propos, elle partageait l'image ci contre.
Il faut reconnaître qu'il y a une certaine similitude, et que l'on pourrait penser que sur l'éventail, ce petit disque n'est rien d'autre qu'un soleil ou une lune.

Très crédible aussi était l'observation de Lorraine Taylor-Kent, Présidente du Fan Circle International : "
Comme vous l'avez observé, l'image est naïvement peinte, et je vois la 'tour' comme un ornement en pierre avec un petit globe sur le dessus".

Cette observation paraît de bon sens. Toutefois le caractère naïf et maladroit de cette peinture permet aussi de voir dans la construction sinon une pagode telle celles élévées à Kew par William Chambers ou pourr le duc de Choiseul à Chanteloup du moins un édifice élévé comme le goût s'en répandit dans la deuxième moitié du siècle : en témoignent le désert de Retz, le moulin de la "Folie-Beaujon" agrémentant le parc deu futur palais de l'Elysée, ou la "tour de Malborough" construite à Bellevue en 1784 par C.-L. Châtelet pour Mesdames (les tantes du roi).

Aussi répondis-je :
"Cependant, je pense que si la "tour" était un ornement en pierre, ce qui est très possible, le "globe" serait plus grand et sans pieds. Je pense que sur les  milliers d'éventails du 18ème siècle que j'ai vus, c'est la première fois que je remarque cela.  On voit aussi parfois des horloges (peut-être liées à une "heure du berger" quelque peu galante) mais les horloges ont besoin d'aiguilles et ici les personnages ne sont pas des bergers (même pour bergerades)".

A quoi Lorraine Tailor-Kent fit une réponse toujours de bon sens : "
Je suis d'accord avec vous et le globe aurait dû être beaucoup plus grand mais la personne qui a dessiné la scène avait peu d'expérience, et peut-être aucun souvenir personnel des jardins élégants et des structures en pierre. Je suppose que c'était un éventail assez peu coûteux à produire et destiné à une clientèle aux moyens modestes mais se réjouissant de posséder un éventail. Je pense que, bien que les dimensions de la structure soient surprenantes, ce n'est pas une tour mais un objet beaucoup plus proche car la verdure semble assez proche du couple et de la structure. Je me suis demandée si c'était une arche car la couleur du plus grand côté est différente ...... mais une arche aurait sûrement indiqué une structure plus importante menant à quelque chose de remarquable. Or c'est ici une scène galante très simple dans un jardin, car une dame ne se serait pas aventurée seule à la campagne avec un jeune homme"


Quant à Anna Checcoli, collectionneuse italienne (voir notamment son site http://www.ventagli.org/), elle a présenté en ligne un détail d'éventail montrant sur un curieux bâtiment un disque ressemblant assez à celui que nous étudions, mais sans pieds. Voilà qui corroborerait l'hypothèse de la présidente du Fan Circle International. Toutefois il pourrait s'agir d'un pigeonnier... et le surprenant édifice qui se penche à côté nous fait penser à une construction couverte de miroirs...

crucifixion
Anna Checcoli pigeonnier



Or Serge Davoudian, le marchand bien connu et spécialiste des éventails, me donna une autre piste :  "
En terrasse [...] sans doute un miroir sur pied… Je vous laisse juge d'y déceler les symboles. Peut être un visage"


Thesaurus opticus
Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=503708
A dire vrai, cette possibilité d'un miroir m'avait effleuré avant que je pose ici cette question. Mais je ne l'avais pas approfondie. La remarque de mon correspondant m'a conduit à quelques recherches supplémentaires, qui m'amènent à une nouvelle hypothèse, qui me paraît assez fondée.
Je vous propose donc (jusqu'à meilleure suggestion) de voir dans le disque figurant sur notre éventail un miroir ardent, c'est à dire un miroir destiné à mettre le feu. Ces miroirs sont couramment appelés miroirs d'Archimède, puisque le grand philosophe et physicien antique est présumé avoir grâce à ce moyen mis le feu à une flotte qui assiégeait la ville de Syracuse.
Il est incertain qu'Archimède ait jamais réussi un tel exploit, surtout avec un objectif flottant par nature mouvant... Mais beaucoup l'ont cru, et certains ont essayé de reproduire l'expérience. Une tentative fut ainsi faite devant le roi Louis XIV, dont il reste un intéressant témoignage au musée des Arts et Métiers à Paris, qu'évoque une courte vidéo.
Mais c'est le grand naturaliste Buffon, d'abord physicien, qui présenta en 1747, pendant plusieurs semaines dans le Jardin du Roi à Paris (actuel Jardin des Plantes) une expérience réussie, à l'aide d'un miroir en fait composé de plus d'une centaines de miroirs orientables, dont un exemplaire subsiste dans le même musée, que nous reproduisons ci-dessous.

Miroir de Buffon



Le miroir montré ci-dessus ne saurait être celui utilisé par Buffon pour les expériences relatées, qui comportait plus de cent petits miroirs... mais il permet de saisir le principe, parfaitement expliqué par le savant lui-même (document). La presse de l'époque se fit l'écho de cette expérience. (Voir ici 
ce qu'en dit le Mercure de France de mai 1747). Le grand public ne s'y intéressa peut-être qu'en 1774, quand parut le volume de la célèbre Histoire Naturelle de Buffon où ce sujet était abordé. La même année, M. de Bernières, qui avait collaboré en 1747 avec Buffon, fit une nouvelle expérience dans le Jardin de l'Infante à Paris (à l'extrémité du Louvre).

Le goût qui s'était alors développé pour la science et les expériences de physique ont certainement amené d'autres curieux à tenter une expérience que beaucoup d'entre  nous ont certainement réalisée, quand ils étaient enfants, avec un miroir simple ou avec une loupe.

Il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'un éventail fasse, de manière certes malhabile, allusion à ces miroirs. On connait d'ailleurs des éventails montrant d'autres expériences scientifiques. Citons, sans être exhaustif, les miroirs empruntés à Claude Lorrain, les expériences électriques du chanoine Nollet, les projections d'Augustin ou de Robertson... et, bien entendu, les ballons de Montgolfier, de Charles et Robert et autres
(voyez ici notre page concernant les ballons).



It would not be surprising if a fan made, albeit clumsily, allusion to these mirrors. We also know of fans showing other scientific experiments. Let us cite, without being exhaustive, the "Claude glasses" used for designing landscapes, the electrical experiments of the Chanoine Nollet, the projections of Augustin or Robertson... and, of course, the balloons of Montgolfier, Charles and Robert and others (See our page about balloons).
mois4.htm

Mais ceux qui nous connaissent savent que nous cherchons toujours à savoir ce que racontent les éventails, à travers non le ridicule langage codé inventé au XIXe siècle, mais à travers le vrai "langage de l'éventail" qui se lit dans les illustrations que portent les objets. Ici, si l'hypothèse du "miroir ardent" est juste, que voyons nous ? Sur fond de fleurs, aux significations peut-être à rechercher (elles sont souvent liées aux sentiments...) nous voyons ce couple d'amoureux et un instrument permettant de mettre le feu. Ce miroir, si c'est un miroir, ne serait-il pas là comme équivalent moderne des amours porteurs de torches enflammées, ou de Cupidon bandant son arc ?

N'hésitez pas à nous faire part de votre opinion : elle sera écoutée avec plaisir et attention, et si possible partagée !

détail

 


 



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